Le Château Laurens en Agde

En 1897, Emmanuel Laurens entreprend des travaux de grande envergure sur le domaine de Belle-Isle. Le génie du lieu d’implantation du Château Laurens, dénommée Belle-Isle, réside tout d’abord dans cette insularité construite à la fin du XVIIème siècle par la nature et par la technique : d’un côté le fleuve de l’Hérault et de l’autre le chef d’œuvre en génie civile réalisé par Pierre-Paul Riquet. Enfin, le domaine fut traversé en 1857 par une ligne de chemin de fer positionnée sur une chaussée surélevée. Emmanuel Laurens profita même de cela pour créer son propre arrêt de gare au domaine, permettant ainsi à ses invités de venir jusqu’au château. En ce qui concerne la bâtisse, il dessine lui-même les plans du château, sans architecte, ce qui rend la demeure unique de part sa composition et la répartition des pièces. Ses inspirations en matière de décoration proviennent de ses nombreux voyages et de son goût prononcé pour l’Art nouveau qui s’inspire de la femme, de la nature, ainsi que de l’utilisation des courbes. Un courant artistique très à l’avant-garde pour la région. En effet, le Château Laurens est un des rares édifices de l’Art nouveau dans la région Languedoc-Roussillon. En plus de ce courant artistique, la demeure est un véritable assemblage hétéroclite d’inspirations : orientalisme, égyptomanie et mobilier contemporain réalisé sur mesure pour la demeure.

En ce qui concerne les matériaux utilisés, là aussi Emmanuel Laurens a su faire preuve de modernité en utilisant du béton armé, un matériau très peu connu à cette époque-là. Le château fut également, une des premières demeures à être équipée du chauffage central et de l’électricité. Pour ce qui est de la décoration, Emmanuel Laurens fait appel à des artistes marqués par le courant Art Nouveau : le peintre Eugène Dufour qui réalisa les peintures du grand salon, le décorateur et ébéniste Léon Cauvy qui réalisa la plupart des meubles en bois qui sont toutes des pièces uniques spécialement créées sur commande pour la demeure, ou encore l’architecte d’intérieur Eugène Simas à qui nous devons la salle de bain et sa baignoire-piscine décorée de faïences des ateliers Sarreguemines ainsi que les vitraux des appartements du château.

Pour ce qui est de son extérieur, comme pour le reste, Emmanuel Laurens à aménager ses jardins sans compter avec : des arbres centenaires, et notamment un immense magnolia encore présent aujourd’hui, un bassin avec toutes sortes de poissons et plantes aquatiques, de multiples variétés de fleurs. Pour finir, le châtelain s’était même créé un verger comptant plus de 300 arbres fruitiers…

A l’occasion de l’un de ses voyages, Emmanuel Laurens rencontre la jeune cantatrice Louise Blot, qu’il épouse en 1921, la même année où il décide de passer son doctorat en médecine. De cette union est né la création du salon de musique qui, aujourd’hui, est devenue une pièce maitresse du château. Spécialement conçu pour son épouse, ce salon, semblable à une chapelle de part sa hauteur sous plafond et de ses nombreux vitraux , devait permettre à celle-ci d’effectuer ses représentations artistiques. Mais malheureusement, après des années de fastes, de fêtes et de réceptions, les dépenses engagées dans les projets hasardeux d’Emmanuel Laurens ont fragilisé sa situation financière, l’obligeant à vendre son domaine en viager en 1938.

C’est sans enfant, et sans argent qu’Emmanuel Laurens s’éteint en 1959 à Belle-Isle à l’âge de 86 ans.

Emmanuel Laurens restera comme un féru d’art, de beauté, c’était un voyageur et un mélomane. Il voulait que sa demeure soit à son image : un lieu singulier, vivant et marqué par l’art !